Charles Elias Chartouni: L’impérialisme néo-ottoman et les vestiges de la guerre froide/شارل الياس شرتوني: الإمبريالية العثمانية الجديدة وبقايا الحرب الباردة

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L’impérialisme néo-ottoman et les vestiges de la guerre froide
Charles Elias Chartouni/October 08/2020
شارل الياس شرتوني: الإمبريالية العثمانية الجديدة وبقايا الحرب الباردة

La prolifération des interventions de la Turquie islamiste sur maints théâtres opérationnels s’étendant des provinces ottomanes du monde arabe ( Syrie, Irak ), au bassin méditerranéen ( Grèce, Chypre ) et jusqu’aux confins de l’Afrique du Nord ( Lybie, Tunisie, Algérie ), et du Caucase du Sud ( Azerbaïdjan, Arménie ), nous laisse perplexes quant à l’opportunité du maintien de son adhésion à l’OTAN et du partenariat avec les États de la CEE. La politique de subversion délibérément poursuivie par le régime islamiste a déjà atteint un seuil de gravité qui remet en question le bien-fondé de ces accords et leur pertinence opérationnelle.

La politique de déstabilisation est relayée par des pétitions de principe qui remettent en cause le traité de Lausanne ( 1923 ), le tracé des frontières consécutifs aux deux guerres mondiales et de la guerre froide, et mettent en relief une stratégie de destruction ouverte et insidieuse des équilibres géopolitiques en place. Nous n’avons plus affaire à des entorses de parcours ou a un opportunisme de circonstances, mais plutôt à un changement de paradigme qui conteste les fondements de la république Kémaliste et la configuration géopolitique qui lui est consubstantielle.

Nous passons de manière résolue du partenariat à déclinaisons multiples au rejet systématique de tous les ancrages institutionnel, idéologique, géopolitique et diplomatique qui ont defini jusque-là le statut de la Turquie post-impériale et islamique.

La réhabilitation acharnée de l’imaginaire islamique, les marqueurs géopolitiques d’une nouvelle ère néo-ottomane, le démantèlement systématique des institutions démocratiques, la remise en état des politiques de discrimination à l’endroit des grandes et petites minorités ( alévie, kurde, arménienne et grecque ) et de la politique de terreur d’État à l’égard des oppositions plurielles, ne font qu’entériner l’hypothèse de la mutation paradigmatique dans une Turquie qui est en passe de rompre avec les amarres qui la rattachent à un passé entièrement désavoué.

L’invalidation des accords Sykes-Picot ( 1916 ), et les embardées en Méditerranée et dans le Caucase la remettent, une fois de plus, en vis à vis avec la Grèce et la Russie, mettent au défi leurs sanctuaires géo-stratégiques respectifs, et démontrent la fragilité structurelle des ordres géopolitiques en place et leur volatilité.

Il est grand temps de redéfinir les axes géostratégiques de la sécurité occidentale, d’en circonscrire les paramètres idéologique, économique et territorial et de mettre fin aux incertitudes dont se nourrit cette politique ambivalente et intérimaire d’une Turquie résolument islamiste, néo-impériale et qui se joue de tous les registres et leviers de déstabilisation au sein des États et au niveau inter-étatique. L’instrumentalisation du terrorisme islamique dans les entreprises de subversion ( Syrie, Irak, Lybie, Nagorno-Karabach/ Artsakh, … ), la manipulation des enjeux migratoires et du statut de l’islam au sein des démocraties occidentales, et la remise en cause de la géopolitique méditerranéenne ( Grèce, Chypre ) devraient à elles seules instruire le dossier, et décider du cours de la politique à venir vis à vis d’un politique impériale qui se croit tout permis.

L’endiguement, les coups de semonce, les mesures de rétorsion, les sanctions économiques, l’appui ouvert aux forces de l’opposition, et la guerre font désormais partie d’un répertoire pénal qui devrait être monté en épingle sans vergogne. Il est déjà temps de faire échec et mat à un dictateur sans scrupules et qui se croit incontournable et victorieux à terme.

Les menaces totalitaires sont à prendre au sérieux, évaluer à leur juste mesure et détruire sans états d’âme.