Charles Elias Chartouni: Turquie, la gesticulation d’un dictateur aux abois/شارل الياس شرتوني: تركيا، مخادعات ديكتاتور مأزوم

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شارل الياس شرتوني: تركيا، مخادعات ديكتاتور مأزوم
Turquie, la gesticulation d’un dictateur aux abois
Charles Elias Chartouni/Octobre 25/2021

L’expulsion des ambassadeurs américain et européen en Turquie renvoie, une fois de plus, aux manœuvres d’un dictateur qui ne cesse de fuir les crises de l’intérieur en multipliant celles de l’extérieur. L’inflation galopante (19.5/100) et la dévaluation de la livre turque par rapport au dollar (25/100), se traduisent par une crise diplomatique qui n’a aucune raison d’être hormis les impasses qu’il n’a cessé de créer depuis le début de sa dérive totalitaire. La crise provoquée par la requête de libération de l’homme d’affaires turc, Oman Kavala, est loin de justifier une rupture diplomatique de cette ampleur, alors que la Turquie est en pleine crise et que des échéances diplomatiques de taille ( réunion du G20) s’imposent, comme l’a rappelé son ministre des affaires étrangères. L’opposition n’a pas tardé à souligner la portée interne de cette démarche absurde qui mettent en relief les incohérences de cette dérive autocratique, et l’incapacité d’Erdogan à résoudre les problèmes économiques et sociaux qui deviennent de plus en plus graves.

La nature populiste de cette gesticulation est non seulement déplacée mais révèle son incapacité à résoudre des problèmes réels en s’accommodant des paradoxes qui définissent désormais sa politique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Turquie: dérive autocratique et gestion rationnelle de l’économie, absence de consensus interne et guerre civile larvée, interventionnisme politique et militaire surdimensionné et crises monétaire et socio-économique aigües, croissance économique, clientélisme et régime de rentes et de prébendes institutionnalisées, affiliation discrétionnaire à l’OTAN, au partenariat européen, et manœuvres sur les interstices de la nouvelle guerre froide, alors que l’opposition interne croît au gré de ces paradoxes qui ne font que questionner la légitimité opérationnelle de ces choix, alors que leur légitimité idéologique était, d’ores et déjà, controversée. La question qui ne cesse de refaire surface avec la nature cyclique des crises qui ponctuent la vie de ce régime, et remettent en question l’avenir de la république et de la démocratie en Turquie.

L’islamisme ségrégationniste et la ré-emergence de l’impérialisme néo-ottoman ne peuvent plus, désormais, coexister avec l’héritage républicain, et s’avèrent résolument contre-productif lorsqu’il s’agit de gérer une économie moderne assaillie par un régime aussi conflictuel et peu regardant à l’endroit des encadrements normatifs d’une démocratie libérale et de l’État de droit. Les équivoques de l’islamisme turc viennent à terme et ne peuvent plus s’accommoder d’autant de contradictions qui remettent en question la paix civile, le credo laïc et républicain de l’héritage kemaliste, l’appartenance à l’OTAN et le partenariat européen, et les conditions de fonctionnement d’une économie moderne. Les démocraties occidentales doivent rappeler à l’ordre un régime dont la délinquance se joue de toutes les contradictions et de tous les registres impunément, jusque-là, alors que la crise financière et socio-économique se fait pesante et que l’opposition a du mal à admettre la perpétuation de ce coup d’État continu et ses effets destructeurs tous azimuts. La remise en état des sanctions, des politiques de conditionnalité et l’appui résolu à l’opposition sont essentiels pour mettre fin à ce chantage et cisailler ce populisme dangereux qui se nourrit d’une impunité qui n’a que trop duré.