Le Liban, de l’État mafieux à l’État-Lige et l’entre-deux /Charles Elias Chartouni/شارل الياس الشرتوني: لبنان من دولة المافيا إلى الدولة الرهينة وما بينهما

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Le Liban, de l’État mafieux à l’État-Lige et l’entre-deux /Charles Elias Chartouni/September 28/2020
شارل الياس الشرتوني: لبنان من دولة المافيا إلى الدولة الرهينة وما بينهما

L’échec de la démarche présidentielle française loin d’échoir au Président français ne fait que valider les apories d’un contexte politique pâtissant de dislocations structurelles, et entièrement assujetti aux aléas d’une région en état d’implosion généralisée. Cet état de déliquescence loin d’être inédit arrive à terme et ne fait qu’entériner la fin d’un pays qui n’a pas cessé, depuis six décennies, de vivre d’intermèdes et de procurations indéfiniment renouvelés sans grands résultats.

La présidence française nous a offert l’ultime opportunité afin de sauver ce qui reste de cette république décharnée, éviter les déboires de guerres renouvelées ( civile et autres ), et mettre à profit ce temps de trêve, mutuellement consenti, afin de résoudre les graves problèmes qui ont résulté de cet état de délitement prolongé. La configuration des négociations qui étaient en cours, la texture des acteurs politiques en lice, et leurs ancrages extra-territoriaux confirment une fois de plus les verrouillages oligarchiques, les hypothèques des politiques de puissance ( Iran, Turquie, Arabie Saoudite, Qatar…. ), et la complicité des caïds chiite et sunnite locaux et leurs acolytes en milieu chrétien, comme cela a été dûment souligné par Emmanuel Macron lors de la conférence de presse qui a succédée à la démission du premier ministre Moustapha Adib, qui s’est décemment rétracté, contrairement à son prédécesseur Hassan Diab, le commissaire effronté du Hezbollah.

Lorsque le Président français crie à la trahison, il fait explicitement référence à l’absence, non seulement, d’une éthique politique minimale dans cet espace de brigandage qu’est devenu le Liban, mais aux déficits normatifs d’une république qui évolue dans des vides emboîtés sans fin.

Le Président français, loin de toute naïveté, faisait appel au bon sens des oligarchies politiques dont il connaissait les tares, afin de les dissuader d’emprunter la voie des impasses diligemment construites sur la base de leurs intérêts et desseins destructeurs de toutes formes de sociabilité politique, de liens civiques, et d’éventuelle appartenance à une collectivité nationale.

Le sentiment de honte qu’il a exprimé à leur endroit et sa condamnation explicite et indistincte de leur délinquance financière et morale, étaient doublés de constats sur l’ambiguïté des positionnements du Hezbollah qui évoluaient sur un continuum entre des engagements militaires qui remettaient en question la paix régionale ( Israël ), la paix civile ( Liban, Syrie ) et les simulacres du jeu démocratique dans le cadre des fictions juridiques de l’État libanais mis en coupe réglée par les partenariats oligarchiques.

L’insistance dont fait état la présidence française relève, sans vergogne, de l’engagement moral vis à vis d’un pays auquel la France a partie liée, des intérêts stratégiques d’une Europe qui subit les effets disruptifs d’un Moyen Orient défait, des aléas représentés par les impérialismes islamiques déchaînés du bassin méditerranéen jusqu’aux limes du Caucase ( le renouvellement de la guerre dans le Nagorno-Karabach/ Artsakh ), et des vagues migratoires qui ne font que compliquer la donne stratégique au sein des pays de la CEE, et profiter aux entrepreneurs de l’Islamisme dans toutes ses variantes sunnite et chiite.

Le nouveau moratoire fixé par le Président français devrait être assorti d’une politique d’endiguement à géométrie variable, de conditionalités politiques fermes, de sanctions financière et économique, et d’engagement diplomatique sinueux.

Sinon, Emmanuel Macron a explicitement fait part de son appréhension vis à vis des dangers que le Hezbollah et son associé-rival faisaient encourir à la communauté chiite de par les engrenages conflictuels qu’ils ont institués sur la toile géopolitique Moyen orientale ( Liban, Syrie, Iraq, Yemen, Arabie Saoudite, Pays du Golfe …. ).

La démarche française est un pari sur la raison d’État dans une région où les concepts d’État et a fortiori d’État de droit, sont des notions creuses qui renvoient aux rivalités tribales et aux codifications jurisprudentielles de l’islam scripturaire et ses représentations mentales. Néanmoins, le détour est obligé surtout que les périodes de grâce s’amenuisent au gré des jours, et les conflits qui se profilent à l’horizon auront un temps de déploiement dans la durée.