Charles Elias Chartouni: Incertitudes, faux semblants et mensonges/شارل الياس شرتوني: الغموض، المخادعات والكذب

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شارل الياس شرتوني: الغموض، المخادعات والكذب
Incertitudes, faux semblants et mensonges
Charles Elias Chartouni/Decembre 07/2021
Nous faisons face depuis deux ans à des incertitudes cumulées qui ne cessent de croître au fur et à mesure que le pays s’enfonce dans un état de décomposition irréversible, alors que le jeu des oligarques poursuit son cours imperturbable. Le démantèlement des institutions étatiques, les délitements socio-économiques, le dérèglement environnemental et la servilité innommable de la justice à l’égard des oligarchies mafieuses, nous renvoient désemparés aux réalités d’un pays décharné qui a perdu toute consistance. Les faux semblants d’un État de droit, les illusions d’une réforme qui viendrait à bout de ce saccage qui n’a pas discontinué depuis trente ans, et la culture du mensonge qui est l’apanage de cette classe politique d’usurpateurs et de voleurs attitrés, expliquent largement cet effondrement abyssal doublé d’une culture de l’impunité et d’une atmosphère délétère, où la dépravation morale n’a d’autre pendant que la violence et l’état d’ensauvagement auxquels nous sommes relégués. Somme toute, nous n’avons plus rien à attendre dans un contexte d’anomie généralisée, de politiques de domination et de complicités transversales qui rendent compte des verrouillages oligarchiques, des retranchements claniques et de blocage hermétique.

Les tentatives répétées du Président Macron de redonner au Liban une dignité d’État souverain butent sur les équivoques cultivés par le Hezbollah et sa mouvance fasciste à l’endroit dun pays transformé en État-lige instrumentalisé au profit d’une stratégie chiite de destabilisation régionale pilotée par le régime iranien. La politique de domination loin d’être ambiguë relève désormais d’un répertoire politique de subversion qui remet en question la paix civile, la norme démocratique et la configuration géopolitique du Liban. La dernière médiation avec l’Arabie Saoudite fera long feu parce que le partenariat inter-étatique et souverainiste est non seulement inexistant, mais il est remis en question par les conflits induits par les impérialismes islamiques en état de choc frontal, et la politique de mainmise du Hezbollah. La volonté de normalisation de la diplomatie française se heurte à la politique d’annexion iranienne, à l’affaissement de l’État libanais, et aux fractures enchevêtrées d’une société nationale éprouvée par des décennies de conflits ouverts. La rébellion civique de 2019 avec ses aspirations libertaire, démocratique et réformiste qui traduisent au mieux la particularité libanaise, n’a pas réussi à s’articuler sur des réalités anthropologique et historique de base en vue d’opérer les transitions requises.

Les verrouillages imposés par les oligarchies et pilotés par les mouvances fascistes chiites expliquent la débilité des cabinets ministériels, les vétos qui en ont empêché la formation de manière récurrente, et le cynisme manifeste de la classe politique à l’endroit des crises conjuguées et mortelles, tragiquement illustrées par l’explosion terroriste du port de Beyrouth et ses suites désastreuses. Les atermoiements inexplicables à l’égard des réformes financières et leurs articulations socio-économiques répercutent une volonté délibérée de sabotage qui vise à casser les leviers de l’économie, le terreau culturel, social et institutionnel qui a été édifié tout au long du centenaire, et induire des vagues migratoires qui projettent des restructurations démographique et urbaine, et pavent la voie aux reconfigurations géopolitiques qui s’inscrivent dans le prolongement de la guerre civile syrienne et ses relais régionaux. Les dynamiques d’appauvrissement abrupts qui ont détruit les équilibres structurels d’une société modernisée et en pleine phase avec la mondialisation, sont loin d’être l’effet du hasard, elles sont le produit de trois décennies de sape qui ont détruit les bases de l’État de droit et ceux d’une société civile complexe et dûment structurée. Les régimes sultaniens du monde arabe, les échecs de la modernité islamique et arabe, les faillites en cascade des États de la région, et les extrémismes qu’ils ont générés, n’étaient pas en mesure de comprendre et tolérer l’exception libanaise.