Charles Elias Chartouni/Liban, Le démantèlement d’un État mafieux et ses enjeux/شارل الياس شرتوني/لبنان: تفكيك الدولة المافيوية واشكالياتها

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Liban, Le démantèlement d’un État mafieux et ses enjeux
Charles Elias Chartouni/May 05/2021
شارل الياس شرتوني/لبنان: تفكيك الدولة المافيوية واشكالياتها

L’arrivée du ministre français des affaires étrangères devrait marquer un changement de cap, en remettant en question la feuille de route adoptée par le gouvernement français à l’endroit de la crise libanaise. Quoique lucide quant à la nature délictueuse et subversive des politiques en place (oligarchies mafieuses et fascismes chiites), la politique française a tenu, jusque-là, à ne pas heurter frontalement la règle du jeu, en composant avec les oligarques et essayant de débloquer la situation au profit d’un “gouvernement de mission” dont l’objectif serait, la mise en place d’un ensemble de réformes qui permettrait au Liban de s’extraire au marasme qui prévaut depuis dix neuf mois.

Loin d’être discret sur la complexion mafieuse de la classe politique libanaise, le gouvernement français a évité toute position maximaliste qui risquerait de mettre à feu le brasier libanais, et mener à l’effondrement d’un pays aux dislocations systémiques. Ceci dit, il ne faudrait pas oublier les considérations stratégique et de politique régionale qui expliquent également la position médiane de la France, et par voie de procuration celles de l’EU et des États Unis. La France avec ses mandats multiples, cherche à éviter une débâcle généralisée qui détruirait le Liban, et par voie de conséquence les trêves intérimaires d’un ordre régional en lambeaux et ses effets délétères sur la sécurité européenne.

Les faillites en cascade des États du Moyen Orient constituent désormais une menace directe à l’Europe confrontée aux migrations de masse, à leur instrumentalisation par l’islamisme politique, et leurs effets conjugués sur les plans démographique, culturel, politique et budgétaire. Les louvoiements des oligarchies mafieuse et terroriste qui règnent au Liban, leurs positionnements sur les interstices des politiques de puissance régionale, leurs intérêts financiers recyclés dans des investissements divers au sein des économies occidentales, leur rôle dans les triangulations mafieuse et terroriste de la mondialisation, leur donnent des latitudes manœuvrières dont elles se servent sans ambages. Il est impératif à la politique française de se redéfinir à partir d’une nouvelle trame, et se renforcer d’une nouvelle mandature accordée par l’EU et les USA, qui lui permettrait d’engager un véritable bras de fer avec les coalitions mafieuse et terroriste, moyennant l’internationalisation de la question politique et la séquestration de la rapine et ses trajectoires.
La France est tenue de changer de logiciel et de direction, sinon le maintien de la politique d’accommodement suivie jusque-là, s’avère contre-productif voire périmé.

Les oligarchies mafieuses sont loin d’être dissuadées par la politique du marchandage continu, bien au contraire, elles l’utilisent comme atout en vue de cultiver une image de marque d’acteur incontournable, et de passage obligé dans la mise en œuvre des politiques régionale et domestique. La seule politique qui vaut, le cas échéant, est celle de la séquestration des biens, la mise au ban du système bancaire international et l’humiliation comme préludes à la judiciarisation et la pénalisation. Il faudrait que les politiques française et occidentale se rendent à l’évidence du caractère fictif des entités étatiques dans cette région du monde, et leur instrumentalisation par des acteurs qui se situent linéairement entre les luttes meurtrières pour le pouvoir, le crime organisé et le terrorisme d’État. Nous sommes dans la brutalité des rapports de force et la violence mimétique, et il est grand temps d’en prendre acte.