Charles Elias Chartouni/La Turquie islamiste, la fin de l’ère Atatürk et les aléas de l’islamisme néo-ottoman/شارل الياس شرتوني: تركيا الإسلامية، نهاية عهد أتاتورك وتقلبات الإسلاموية العثمانية الجديدة

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La Turquie islamiste, la fin de l’ère Atatürk et les aléas de l’islamisme néo-ottoman
Charles Elias Chartouni/October 27/2020
شارل الياس شرتوني: تركيا الإسلامية، نهاية عهد أتاتورك وتقلبات الإسلاموية العثمانية الجديدة

La Turquie islamiste, la fin de l’ère Atatürk et les aléas de l’islamisme néo-ottoman
Le projet islamiste d’Erdogan loin d’être une esquisse idéologique en quête de réalisation, sert désormais de paradigme structurant à partir duquel s’ordonne la vie politique intérieure, et se projette la Turquie dans ses rapports avec le reste du monde. Le projet d’intégration à l’aire civilisationnelle européenne conçu et promu par la Turquie post-ottomane est non seulement révolu, mais résolument rejeté au profit d’un retour intempestif à l’ère ottomane, son imaginaire, ses fictions géopolitiques, ses entreprises de subversion et de conquête, et son instrumentalisation de l’islam comme opérateur idéologique et géo-stratégique. Cette mutation idéologique s’effectue parallèlement à une contestation intérieure qui se nourrit des échecs de la gouvernance économique, de l’inflation en spirale, d’un taux élevé de chômage ( 26/100 parmi la jeunesse ), des tensions inter-ethniques de plus en plus irrémédiables ( kurde, alévi, arménien, grec … ), des engagements militaires aux coûts prohibitifs sur des terrains hasardeux ( Interfaces syro-iraquienne, bassin méditerranéen / Grèce et Chypre, Liban, Afrique du Nord et du Nord Sud / Lybie, Tunisie, Algérie, Égypte, pays de la CEE via l’instrumentalisation de la question migratoire et des migrations musulmane et turque, déstabilisation du Caucase Sud à travers le conflit d’Artsakh-Nagorno Karabakh, et les embardées au cœur du périmètre géo-stratégique russe…,. ), alors que ces son adhésion à l’OTAN et son partenariat avec la CEE sont résolument remis en question.
L’offensive politique et idéologique d’Erdogan suscite inévitablement des réactions qui evoluent sur la base même du projet néo-impérial qu’il a dû mettre au point, en vue de créer le lien entre le régime autocratique et la stratégie néo-impériale qu’il tente d’impulser et installer au cœur de la configuration transcontinentale à partir de laquelle il opère. Les contradictions de parcours ne suffisent pas à elles seules à mettre un terme à leurs effets délétères diffus, mais rendent inévitable la mise en place d’une politique d’endiguement qui évoluerait entre la mise au ban des consortiums sécuritaire et communautaire ( OTAN, CEE ), le démantèlement des réseaux politico-religieux assignés au prosélytisme, à l’interventionnisme politique et à la création des ghettos islamiques ( Imam Hatip, la moitié des imams nommés par les pays musulmans en France sont turcs 150/300 ), le blocage géopolitique à géométrie variable ( Caucase du Sud, Mer d’Egée, bassin Méditerranéen ), le soutien actif aux oppositions plurielles qui s’organisent sur la base des agendas catégoriel, ethno-politique et idéologique.
L’affrontement frontal avec Emmanuel Macron se laisse comprendre à partir de la politique d’échec et mat que lui oppose le président français, tout au long du continuum politico-idéologique qu’il a du poser comme toile de fond et cadre structurant à sa démarche d’ensemble. La stratégie islamiste d’Erdogan ressort à un schéma néo-imperial ottoman qui projette des remaniements géopolitiques, la déstabilisation des démocraties occidentales à travers la politique des enfermements communautaires, et la consolidation des extraterritorialités juridico-religieuse propre à la doxa politique en islam classique. L’affrontement avec Erdogan relève d’impératifs politico-stratégique qui définissent désormais la trame politique d’une géopolitique trans-continentale en mutation, et de la nécessité de mettre fin à l’état de labilité créé par les béances stratégiques croissantes, et l’impossibilité de recréer un ordre régional sur des bases étatiques viable, légitime et pouvant encadrer des projets d’État de droit dans la durée.