Charles Elias Chartouni/Le ” séparatisme islamiste ” et les défis de la démocratie occidentale

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Le ” séparatisme islamiste ” et les défis de la démocratie occidentale
Charles Elias Chartouni/February 20/2020
Le président Macron se prononce une nouvelle fois contre le ” séparatisme islamiste ” pour dissiper toute confusion sémantique, alors que celui ci cherche à installer une extraterritorialité de fait, de circonscrire des espaces islamiques mutants, de s’inscrire dans des topographies qui lui permettent de se situer en lisière de la république et d’en contester les fondements. L’islam se définit à partir d’une matrice idéologique concurrente qui remet en question le récit national, les institutions républicaines, les mécanismes et enjeux de l’intégration, la place de l’islam dans le cadre du pluralisme religieux, les bornes du religieux et du politique, tout en cherchant à instrumentaliser les institutions républicaines et le trésor public au profit de sa stratégie communautaire et ses projets de subversion.
Les institutions représentatives des islams de France, en dépit de leurs profils contrastés, opèrent à partir d’ambiguïtés qui tournent principalement autour des distinctions notionnelles du religieux et du politique et leurs registres d’inscription, la contestation de la loi républicaine au nom des partitions binaires du licite et de l’illicite ( الحلال والحرام ), des prescriptions rituelles qui en émanent et de leurs champs d’application qui remettent en question de manière insidieuse la loi républicaine et son champ lexical et discursif, et la subvertit de manière insidieuse et graduée: le champ d’application du licite et de l’illicite évoluant au gré de prescriptions jurisprudentielles mutantes qui couvrent la topographie de l’imaginaire islamique et ses modulations territoriale et comportementale, de manière à instituer des exclusions progressives qui s’étendent sur des aires diverses: régimes alimentaires, codes vestimentaires, rites social et cosmétique, rituels funéraires et carrés de sépulture, statuts sociaux ( rapports homme/ femme, musulman/ non musulman, classes d’âge …. ), champ éducatif ( ségrégation scolaire, programmes d’enseignement, acteurs institutionnels …. ).
L’islamisme est un projet politique qui s’inscrit résolument en faux contre les fondements civilisationnel et normatif des démocraties occidentales, tout en les instrumentalisant au profit d’une stratégie d’érosion graduée. La réflexion d’Emmanuel Macron s’articule autour des principes suivants: 1/ la réaffirmation du récit et du contrat social républicain, de l’intangibilité des institutions, des normes et de la civilité qui les sous-tendent; 2/ la séparation de la religion et de la politique et l’exclusion de toute symétrie entre les institutions républicaines et l’islam, et de toute velléité qui tendrait à positionner l’islam comme source concurrente de législation; 3/ la nécessité de réformer l’enseignement religieux en islam moyennant une lecture critique et historique du canon scripturaire, d’une réflexion philosophique sur les rapports entre foi et raison, la notion de révélation et ses registres notionnel et pratique, les dilemmes du pluralisme religieux et axiologique, et la formation des imams. Cette démarche devrait mettre fin à l’importation des imams des pays musulmans respectifs: Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie, Égypte, Arabie Saoudite …, et au noyautage politique qu’ils pilotent aux interstices de l’espace républicain et des extraterritorialités mutantes de l’islam militant ( voir la réaction d’Erdogan qui refuse de reconnaître la normativité républicaine et ses implications souverainistes, et répertorier les mécanismes de contournement des autres États arabe et musulman ); 4/ Mettre un terme aux financements externes du culte musulman et aux stratégies de pouvoir véhiculaires.
Ces énoncés de principe butent, jusque-là, sur des résistances qui se refusent aux limitations conceptuelle et statutaire de l’islam dans le cadre du pluralisme religieux et de la norme républicaine, des politiques de tutelle islamique qui cherchent délibérément à s’institutionnaliser au cœur du conglomérat institutionnel et des dynamiques politiques occidentales, des controverses idéologique et partisane ( la gauche identitaire et altermondialiste et les souverainistes de tout acabit ) à l’égard du statut de l’islam au sein de la démocratie et de l’exceptionnalité dont il se recommande et qu’il revendique. Il est déjà grand temps de conclure le débat sur une réaffirmation claire de l’exclusivité de la loi républicaine, le refus de toute hétéronomie statutaire et législative se basant sur la loi religieuse et ses fondements scripturaires, et de toute limitation de souveraineté qui émanerait des injonctions de la ” Charia ” et des politiques d’influence arabe et islamique.
Ce contexte conflictuel cherche à s’installer dans la durée afin de créer de nouveaux rapports de force qui permettraient de changer la donne politique et ses encadrements, et du fait il faudrait s’en défaire, sans vergogne, moyennant des énoncés de principe et des politiques conséquentes. Autrement, les institutions de l’islam de France n’ont pas pour vocation de se poser en intermédiaires entre la république et les citoyens de confession musulmane ( quels que soient la nature et le degré d’appartenance) , de sources de législation symétrique et concurrente, d’encadrement politique ou de relais aux politiques de rivalité inter-musulmanes, ou de confisquer la parole aux citoyens d’origine musulmane, ou professant un libéralisme religieux qui se refuse à tout embrigadement communautaire. Il est déjà temps d’arrêter les termes de ce débat, de mettre fin aux faux dilemmes de l’exception musulmane et ses équivalents fonctionnels en matière politique et législative, et d’imposer la loi et la civilité républicaines comme choix incontournables et non négociables, de réaffirmer les principes de la démocratie libérale et du caractère péremptoire des catégories du ” droit naturel ” ( Jus Naturalis et Jus Gentium ) et de l’impertinence du droit islamique comme source de légifération. Il s’agit en somme d’intégration à un ordre politique propre aux démocraties occidentales, et non de la création à terme d’un ordre islamique alternatif hautement revendiqué par l’islam militant qui contrôle de grands pans de l’immigration musulmane.

Contre le « séparatisme islamiste », Macron veut se positionner entre répression et intégration
Par Alexandre Lemarié/Le Monde/February 20/2020
Le chef de l’Etat, qui dit ne pas vouloir stigmatiser l’islam, a annoncé une série de mesures pour réduire les « influences étrangères » sur la deuxième religion de France.
Afficher sa détermination à agir contre l’islam radical, sans pour autant pointer du doigt l’ensemble de la communauté musulmane. Emmanuel Macron a tenté d’opérer un tour de force, mardi 18 février, lors d’un déplacement à Mulhouse (Haut-Rhin), consacré à la présentation des premières mesures de la stratégie de lutte contre le « séparatisme islamiste » et la radicalisation. Tout au long de cette « visite de terrain », durant laquelle il a multiplié les rencontres avec des acteurs locaux et les prises de parole, le chef de l’État a veillé à suivre cette ligne de crête.
Dès son arrivée à Bourtzwiller, un quartier populaire de la ville, à la mi-journée, M. Macron a affiché sa détermination à combattre toute forme de « repli communautaire ». « Dans la République, l’islam politique n’a pas sa place », a-t-il tranché. Même ton de fermeté un peu plus tard lorsqu’il a désigné « le séparatisme » comme l’« ennemi » à abattre. « Dans la République, on ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures aux lois de la République », a-t-il affirmé dans un discours, après avoir échangé avec les forces de l’ordre, des élus et des responsables d’associations de cette banlieue située au nord de Mulhouse, classée en 2012 en zone de sécurité prioritaire.
Mais à chaque fois, le locataire de l’Elysée a pris soin de souligner qu’il ne souhaitait pas « stigmatiser » l’ensemble des musulmans vivant en France. « Un plan contre l’islam serait une faute profonde », a-t-il mis en garde, en se défendant de « chercher des boucs émissaires ». C’est au nom de cette volonté de « ne pas stigmatiser », d’ailleurs, qu’il a justifié son évolution sémantique de substituer le terme de « séparatisme » à celui de « communautarisme ». Un mot avec lequel il dit « ne pas être à l’aise » car à ses yeux, « on peut se sentir des identités multiples si on respecte les lois de la République ».