شارل الياس شرتوني/سقوط الطائرة الأوكرانية: قراءة في المدلولات المستترة/Charles Elias Chartouni: La métonymie d’un crash

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 La métonymie d’un crash
 Charles Elias Chartouni/January 10/2020
 شارل الياس شرتوني/سقوط الطائرة الأوكرانية: قراءة في المدلولات المستترة

La tragédie de l’avion ukrainien abattu à Téhéran par l’armée iranienne ne fait qu’entériner l’hypothèse et les réalités d’un État en mal de repères, et qui n’a d’autres moyens d’exorciser ses démons que par la violence et sans autre forme de procès. S’arc-boutant sur ses dénis habituels, l’État Iranien élimine, d’ores et déjà, l’hypothèse du missile qui a détruit l’avion contre le faisceau d’évidence qui a été fourni par plusieurs sources. Rien de nouveau, on est là devant un mode de comportement qui n’a jamais démenti et qui attribue tous les errements et les malheurs de ce pays, qui avance de manière discontinue de crise en crise, à un complot qui vise son intégrité imaginaire.

L’externalisation des responsabilités et la contamination de l’occident ( غرب زادكي ) sont les seuls clefs qui expliquent cette boucle infernale de crises répétées qui n’ont rien épargné, la faillite de gouvernance ( crises financière, économique et sociale, catastrophes écologiques -désertification rampante, inondations, éboulement de terrains, sécheresse et étiage des eaux, prolifération des bidonvilles gigantesques- corruption diffuse, pauvreté généralisée, pathologies sociales aggravées- une population de 4,000,000 de drogués en majorité sans soins ou reconnaissance de l’épidémie, délinquances sociales,…), et la dynamique soutenue des conflits régionaux induits par une politique de déstabilisation régionale, aux contours imprécis, qui a contribué à l’éclatement du système inter-étatique, à l’extension des vides stratégiques dans une région qui a du mal à se reconstituer sur la base d’une texture étatique, de réformes visant à introduire les notions d’État de droit, de consociativité, de recomposition fédérée de la gouvernance, des droits fondamentaux, du pouvoir constitutionnel et des politiques conjuguées du développement intégré.

À chaque fois que je soulève le problème sous l’angle des réformes structurelles dont a besoin le monde arabo-musulman, je suis débouté par le contre-argumentaire de l’inopportunité du débat et la priorité des politiques de puissance, qui n’est autre que celui des luttes à mort qui opposent les oligarques, les segmentarités diffuses d’un ordre social opérant à vide et en l’absence de tout consensus normatif, les désarticulations d’un système régional sans aucune gravité, et la prévalence de la violence comme mode privilégié de règlement des conflits. La fureur suscitée par l’assassinat du général Suleimani se structure en dehors de tout rapport de causalité qui le relie à la dynamique de subversion et de criminalité politique induite par les vagues successives de l’impérialisme iranien impulsées par la révolution islamiste de 1979. Le jeu de la victimisation et de la décontextualisation des enjeux, et les complicités qu’elle suscite dans les milieux de la gauche altermondialiste, loin de contribuer à la dissipation des malentendus multiples dont se nourrissent ces conflits, ne font que les entretenir et envenimer au prix des habitus consolidés que sont le déni, le mensonge délibéré, la volonté de domination et leurs doubles sur le plan opérationnel.

La stratégie du pouvoir iranien se nourrit des hantises obsidionales légitimes des iraniens préoccupés par les visées de l’impérialisme sunnite environnant et ses mouvances terroristes, et cherche à les cultiver en se saisissant de n’importe quel événement qui puisse les remettre au devant de la scène politique, alors que la gouvernance désastreuse ne fait que creuser la crise de légitimité d’un pouvoir qui se joue des contradictions afin de surseoir à sa fin inéluctable. Le pouvoir va se saisir de l’épisode Suleimani pour créer un nouvel intermède, où les iraniens vivraient d’un élan nationaliste creux, où les problèmes réels se font déplacer au profit de l’hystérie anti-américaine et israélienne, alors que cette trame conflictuelle est le produit de la politique de subversion qui instrumentalise le nihilisme au profit de la stratégie de survie d’une révolution vide de tout sens, aux mythes creux qui ne renvoient plus à rien, et aux hasards d’une politique de déstabilisation qui n’a débouché sur aucun projet alternatif, qui viendrait à bout des vides rampants d’une région désaxée et aux béances normatives patentes.

Quid de la vengeance et de l’après vengeance et des cycles de violence absolutiste qui empêchent toutes alternatives discursives, où la parole donnerait lieu à des ouvertures diplomatiques qui mettraient fin au mimétisme des injustices infligées et subies, et aux cycles infernaux des conflits ouverts que la carrière de Suleimani a remarquablement illustrés. J’espère que l’intermède de cette supercherie indéfiniment répétée s’avère de courte durée, et que l’opposition iranienne puisse mettre fin à cet état d’exception qui se nourrit des dynamiques conflictuelles qui sont les gages de la survie du régime et de l’asservissement du peuple iranien otage d’une dystopie aussi psychotique que criminelle, où la ligne de démarcation entre le réel et le délire n’a pas de bornes, et n’a d’autre prix que la souffrance qu’il éprouve au fil d’un temps creux qui ne cesse de se prolonger.