Charles Elias Chartouni/Les folies d’un monde à la dérive/شارل الياس شرتوني: حماقات عالم متهاو

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شارل الياس شرتوني: حماقات عالم متهاو
Les folies d’un monde à la dérive
Charles Elias Chartouni/Decembre 18/2021

Israël reprend le bombardement des sites de production d’armement chimique en Syrie, le régime syrien ajoute à son bilan d’État meurtrier, son nouveau statut d’État narco-trafiquant, et les zones qu’il contrôle servent désormais de friches à la criminalité organisée, de plateforme à la politique de subversion du régime iranien et ses relais géopolitiques libanais gérés par le Hezbollah, et de promontoire à la Machtpolitik russe et turque. Nous avons là affaire au cas typique des “conflits gelés” illustré par la politique russe à l’endroit de la Géorgie et de l’Ukraine, et des ersatz étatiques créés en guise de prothèse impériale (Ossétie, Abkhazie, Crimée, Donbass…). La prolifération de ces irrégularités mettent en relief l’architecture inédite de la nouvelle guerre froide qui s’articule au croisement des crises et des conflits générés par des États fragiles et des dictatures qui perdurent leurs effets destructeurs en perpétuant les verrouillages, gérant les abcès de fixation, et reproduisant les conflits dans la durée.

Le modèle russe incarné par le régime Poutine est à l’origine de cette configuration des “conflits gelés” où des dictatures régentées par des voyous se donnent pour but de générer et gérer des zones de conflit, d’entretenir des friches de criminalité organisée et de terrorisme, et des états d’instabilité endémique, comme c’est le cas en Syrie, en Iraq, au Yémen et au Liban, par l’entremise du Hezbollah, des mouvances du terrorisme islamiste, des organisations palestiniennes et des hordes fascistes de tout acabit. Le redémarrage de la production chimique létale par le régime syrien, la dissémination des sites logistiques et des champs opérationnels sur l’ensemble des territoires libanais et syrien, la coordination entre les réseaux de terreur, de crime organisé, et de sabotage opérants sur des interfaces géopolitiques multiples (syro-libanais, syro-israélien, libano-israélien) et l’instrumentalisation des confinements géopolitiques palestiniens (Hamas, FPLP, FDLP, …), fournissent, somme toute, des répliques à des schémas antérieurs de conflits caractéristiques de la guerre froide et ses modes de pilotage par procuration, via les mouvements terroristes marxistes.

Il est impossible de mettre en place des dynamiques de pacification et de reconstruction étatique avec des acteurs ressortants à la criminalité organisée, sur des schémas de société de “voyous collectifs” et des modèles de délinquance érigés en instances de socialisation, et des jachères servant de terreau à des conflits sans fin. L’intérim mafieux qu’est le régime syrien, la destruction du Liban et sa mise en remorque iranienne par la voie du Hezbollah, et l’émergence des nouveaux glacis de la guerre froide sous la forme des “conflits gelés”, des pourrissements de longue durée, de manipulation des enjeux et des acteurs positionnés sur des axes contrastés, et des apories de la reconstruction étatique et civique, nous renvoient à des impasses de tous ordres et des conflits sans repères. Les vides stratégiques gagnent du terrain et sont doublés par l’absence de repères et la violence, comme uniques réponses aux décompositions irréversibles d’un monde éclaté.